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Les musulmans s’efforcent souvent d’expliquer en quoi l’Islam est plus qu’une religion. Ils soutiennent que l’Islam est une « façon de vivre », que le Coran et les traditions du Prophète Mohammed (pbAsl) inspirent un prototype de vie au quotidien. Du mariage et de la vie de famille à la nourriture et aux boissons autorisées, de l’humilité de la tenue vestimentaire et de la vertu dans les rapports sociaux à la morale commerciale et financière, l’Islam embrasse tous les aspects de notre existence. Ces derniers temps, le secteur de la finance islamique suscite de plus en plus d’intérêt chez les musulmans comme chez les non-musulmans.

Récemment, CNN.com a publié un article sur l’importance de l’approche islamique de la finance dans la crise économique que traverse le monde d’aujourd’hui. On peut y lire que d’après les notations de l’agence Moody’s, la finance islamique à l’échelle mondiale pèse 700 milliards de dollars, et qu’elle a un potentiel de 4 milliards de dollars.

Le professeur Habib Ahmed, titulaire de la Sharjah Chair de la School of government and international affairs à l’université de Durham en Angleterre, a déclaré à CNN que la finance islamique avait enregistré une croissance de 15 à 20 % par an pendant un certain temps et qu’elle suscitait actuellement un grand intérêt, parce que les gens étaient à la recherche d’alternatives après la crise économique. En fait, à partir du mois d’octobre prochain, Par ailleurs, l’université de Durham ouvrira propose un Master en finance islamique, aux côtés d’autres institutions européennes.

L’une des principales différences entre la banque conventionnelle et la banque islamique, c’est que la seconde ne facture pas d’intérêts. Dans de nombreux passages, le Coran interdit explicitement le prélèvement d’intérêts.

À un endroit donné du texte, Dieu dit : « Or Dieu autorise la vente et prohibe l’usure. Celui qui se sera laissé édifier par son Seigneur, donc en aura fini avec l’usure, gardera toutefois son gain antérieur, quitte à ce que son décret revienne à Dieu. Qui récidive… ce sont les compagnons du Feu : ils y seront éternels. » [2:275]

Pourtant, le judaïsme et le christianisme interdisent eux aussi l’usure. Par exemple, la Bible dit : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à intérêt. » (Deut. 23:19) Mais l’Islam est la seule confession qui applique encore à ce jour cet interdit originellement observé par les chrétiens et les juifs.

« Les gens croient que le système [financier] islamique est fondé sur la foi, mais il est simplement fondé sur la justice. Le système est fondé sur la justice pour les deux parties, et cette justice est inspirée de la foi islamique » a déclaré à CNN Aly Khorshid un chercheur en finance islamique qui écrit pour l’Islamic Banking and Finance magazine.

Comparaison entre la finance islamique et la finance conventionnelle

Finance islamique

Finance conventionnelle

Sans intérêts

Avec intérêts

Partenariat équitable (partage des profits et des pertes)

Le profit est la principale motivation

Porté sur le microcrédit par nature

Non porté sur le microcrédit par nature

Contrôles et contrepoids par souci de moralité et de justice

Insuffisance des contrôles et des contrepoids pouvant conduire à des excès, voire des effondrements économiques

En effet, si l’Islam interdit de prélever des intérêts, cela ne signifie pas que le système ne soit pas basé sur le profit. Dans son Introduction to Islamic Finance, Muhammad Taqi Usmani explique que l’activité commerciale d’une banque islamique est fondée sur la notion de partage des risques et des bénéfices. Il s’agit d’un partenariat équitable dans lequel les deux parties non seulement jouissent des bénéfices, mais partagent également les pertes. Pour répondre aux besoins d’aujourd’hui, d’autres services ont fait leur apparition dans le secteur bancaire islamique comme le crédit-bail, le cost plus financing, le report de recouvrement des ventes, etc. Mais il ne s’agit pas là de substituts aux intérêts. « [Ces services] ont leur propre ensemble de principes, leurs propres philosophie et conditions sans lesquelles la loi islamique interdit d’y avoir recours comme modes de financement », ajoute Usmani.

« L’Islam ne nie pas les forces du marché ou l’économie de marché. Même la recherche du profit est acceptable dans la limite du raisonnable. La propriété privée n’est pas totalement rejetée », écrit Usmani. « Cela dit, la principale différence entre l’économie capitaliste et l’économie islamique est que dans le capitalisme séculier, la recherche du profit ou la propriété privée jouissent d’un pouvoir de décision économique débridé. Aucune injonction divine ne vient limiter leur liberté. […] Cette manière de faire a ouvert la voie à un certain nombre de pratiques qui génèrent des déséquilibres dans la société. »

En effet, le grave revirement actuel de l’activité économique a été provoqué par l’usage abusif par les banques des titres hypothécaires et des contrats d’échange sur défaillance, deux des pratiques justement interdites en principe pour les banques islamiques.

« La crise financière mondiale et l’étranglement du crédit sont entre autres le fruit de la cupidité et de l’avarice – puisque les institutions financières ont accordé des prêts à des foyers incapables de les rembourser. Si ces institutions avaient pratiqué une finance islamique, le problème ne se serait probablement jamais présenté », affirme Aftab Ahmad, auteur d’essais économiques à Islamabad au Pakistan.

« Le système actuel, basé sur le prélèvement d’intérêts, relève de l’exploitation puisque le capital y engrange des profits sans endosser la moindre responsabilité ni prendre le moindre risque », ajoute-t-il. « De plus, dans un tel système, les plus petits acteurs de l’économie comme les PME ou les petits agriculteurs, ne peuvent que rarement bénéficier de prêts bancaires pour la bonne raison qu’ils sont incapables d’assumer les plus hauts taux d’intérêt. »

En revanche, dans un système de partage des risques et des bénéfices, non seulement la microfinance est facilitée, mais le système financier lui-même oblige les financiers à s’assurer que leurs activités restent rentables. Avec un tel modèle, « on créerait plus d’emplois et le produit intérieur augmenterait par de multiples vecteurs. Bref, c’est la société dans son ensemble qui serait gagnante dans ce système », fait observer Ahmad.

Pour autant, il considère que le secteur bancaire islamique du Pakistan n’est pas entièrement fondé sur le principe de partage des risques et des bénéfices. « Tandis que les banques traditionnelles versent des intérêts sur les dépôts et qu’elles en facturent sur les emprunts qu’elles accordent, les banques islamiques versent les bénéfices aux déposants et prélèvent des frais de fonctionnement sur les facilités de crédits accordés. Les bénéfices déboursés aux déposants et les frais de fonctionnement facturés aux emprunteurs par une banque islamique sont certifiés comme parfaitement islamiques par des spécialistes de l’Islam », dit-il.

Ahmad préconise que les banques islamiques lancent des produits innovants pour capter un plus large segment de marché. « Les banques traditionnelles, en dépit de leur taille gigantesque, sont plus orientées vers le profit que vers le bien-être. En proposant sur le marché des produits fondés sur le bien-être, les banques islamiques se démarqueraient des banques traditionnelles », fait-il remarquer.

En faisant de la justice et de la morale ses principaux moyens d’action, la finance islamique pourrait non seulement mettre de l’ordre dans le chaos des pratiques bancaires actuel, mais aussi éradiquer la pauvreté dans le monde. D’ailleurs, ce sont précisément ces caractéristiques-là qui attirent l’attention des institutions financières traditionnelles, toutes assoiffées qu’elles sont de tirer les leçons de l’effondrement bancaire qu’elles viennent de traverser. Espérons que le monde fera sien ce système bancaire honnête et moral dans un avenir proche, en proclamant la clairvoyance et la sagesse divine !