Dr Laurence Brown

Les histoires de conversion suscitent, à raison, une certaine fascination. Elles procèdent souvent d’événements spectaculaires qui changent la vie de ceux qui les traversent, au point de les faire basculer du monde matérialiste vers le monde spirituel. La plupart de ceux qui font cette expérience nouvelle et troublante à la fois passe par un immense sentiment d’impuissance, avant de se tourner vers leur Créateur par la prière. Dans la quasi-totalité des cas dont j’ai pu avoir connaissance, ils oublient les références théologiques qu’on a voulu leur inculquer de force, et prient instinctivement et directement notre Créateur.

Par exemple, une femme a raconté un jour dans une célèbre émission de télévision évangélique la « renaissance chrétienne » qui avait accompagné sa conversion. Elle expliquait qu’elle s’était retrouvée la seule survivante d’un terrible naufrage. Au cours des jours et des nuits qu’elle avait alors passés dans le déchaînement des éléments au beau milieu de l’océan, elle a expliqué que Dieu lui avait parlé, qu’il l’avait guidée et protégée, et comment, en quête de sa miséricorde, elle s’était mise à prier Dieu, et Dieu seul. Tout au long de son récit, elle évoquait Dieu encore et toujours, mais jamais une seule fois Jésus Christ. Pourtant, lorsqu’un bateau de passage l’eut enfin sauvé des eaux, elle leva les bras au ciel en criant : « merci Jésus ! »

Il y a là une leçon à tirer. Lorsqu’ils sont pris de panique et d’angoisse, les gens prient instinctivement et directement Dieu, sans intermédiaire ni intercesseur. C’est là la structure propre de notre conscience spirituelle. Néanmoins, une fois libérés de leur détresse, les gens reviennent souvent leurs références théologiques d’origine, quand bien même elles leur paraîtraient imposées ou étranges. Tous les convertis ont le sentiment que Dieu les a sauvés, et que c’est précisément le miracle de leur salut qui justifie leurs croyances. Mais il n’y a qu’un Dieu, et donc il est cohérent qu’il ne puisse y avoir qu’une seule religion capable d’être véridique sous tous ses aspects.

Ainsi, seul un groupe peut avoir raison ; et par conséquent, tous les autres ont plus ou moins tort. Les miracles personnels confortent ces derniers dans l’incrédulité plutôt que dans la vérité. Comme nous l’enseigne Allah dans le Saint Coran : « Dieu égare qui Il veut, et guide à Lui les repentants ». (Coran 13:27) et « Quant à ceux qui croient en Dieu, de Lui se fortifient, Il les fera entrer dans une miséricorde venant de Lui, une grâce. Il les guide vers Lui par une voie de rectitude. » (Coran 4:175) Quant à ceux qui s’égarent dans la mécréance, notre Créateur les laisse errer dans la mauvaise direction qu’ils ont choisie eux-mêmes.

Mais alors qui deviendra musulman en écoutant l’histoire de ma conversion ? Une seule personne : moi-même. Certains musulmans apprécieront peut-être mon histoire, d’autres non. Quoi qu’il en soit, la voici :

En 1990, je faisais ma dernière année d’interne à Washington en ophtalmologie à l’hôpital universitaire George Washington. Cette année-là, ma deuxième fille est née le 10 octobre. Et à mon grand désarroi, elle est arrivée au monde avec la peau couleur vert-de-gris de la poitrine aux orteils. Son corps n’était pas suffisamment alimenté en sang en raison d’une coarctation de l’aorte – un grave rétrécissement de la principale artère du cœur. Il va sans dire que j’étais effondré.

Étant moi-même docteur, j’ai compris qu’elle allait devoir subir une intervention chirurgicale de toute urgence, avec un pronostic vital à long terme pessimiste. Un chirurgien cardio-thoracique pédiatrique a alors été dépêché à l’hôpital, puis je l’ai laissé examiner ma fille dans l’unité de soins intensifs néonatals.

Avec ma peur comme seule compagnie, je me suis rendu dans la salle de prière de l’hôpital, et je suis tombé à genoux. Héritier d’une longue tradition familiale chrétienne américaine depuis 1677, c’est ce jour-là pourtant que j’ai aperçu pour la première fois la présence de Dieu. Je dis aperçu seulement, car même si j’ai prononcé ce jour-là une prière de sceptique du type « O, Dieu, si tu es là… », j’ai promis que si Dieu existait et qu’Il sauvait ma fille je me tournerais alors vers la religion qui le satisfait le mieux et conformerais.

Quinze minutes plus tard environ, je suis retourné à l’unité des soins intensifs néonatals où le chirurgien m’a annoncé que ma fille irait bien. Conformément à son diagnostic, elle s’est finalement miraculeusement rétablie en deux jours, sans traitement ni intervention chirurgicale. Elle a ensuite grandi comme une enfant parfaitement normale, et la voilà aujourd’hui – en juillet 2008 – à la veille de son dix-huitième anniversaire.

Maintenant, comme je viens de le dire, je suis docteur. Et même si le chirurgien m’a donné une explication médicale à la guérison miraculeuse de ma fille, je n’y est ai jamais cru. Je me souviens de ses propos sur la persistance du canal artériel, la faible oxygénation et la guérison spontanée. Mais je me revois aussi en train de penser « non, le salut de ma fille n’est pas un miracle médical, c’est un miracle divin. » Nombre de ceux qui font une promesse à Dieu dans un moment de panique trouvent ou inventent des excuses pour se dérober à leur engagement une fois que Dieu les a soulagés de leur détresse. Il m’aurait été facile d’attribuer la guérison de ma fille à l’explication du médecin plutôt qu’à un miracle divin.

Mais la foi était entrée dans mon cœur, et elle n’en sortirait plus. Sur l’échocardiographie que nous avons faite avant et après, nous avons bien vu la sténose un jour, et sa disparition le lendemain, et je ne pouvais pas m’enlever de l’esprit que Dieu avait respecté sa part du contrat, et que je devais à présent respecter la mienne. L’explication médicale n’était rien d’autre en réalité que le chemin emprunté par Dieu tout-puissant en réponse à ma prière et en application de Son décret. Je n’ai alors accepté, et je n’accepte toujours pas, d’autre explication.

Au cours des quelques années qui ont suivi, je me suis efforcé de respecter ma part du contrat, mais j’ai échoué. Je me suis penché sur le judaïsme et sur un grand nombre de courants chrétiens. J’avais le sentiment d’être sur la bonne voie, d’approcher la vérité. Je n’ai jamais pleinement embrassé une formule chrétienne en particulier, car je ne parvenais pas à réconcilier les différences qui existent entre le canon chrétien et les enseignements de Jésus. Finalement, j’ai découvert le Saint Coran et la biographie de Martin Ling : Le Prophète Muhammad, His Life Based on the Earliest Sources Sa vie d’après les sources les plus anciennes.

Au cours de mes études, j’avais découvert que les écritures juives faisaient référence à trois prophètes qui devaient venir à la suite de Moïse. J’étais arrivé à la conclusion que Jean le baptiste et Jésus Christ étaient deux d’entre eux, mais qu’il en manquait un. Dans le Nouveau Testament, Jésus Christ parle du dernier prophète à venir.

Et lorsque j’ai découvert que le Saint Coran proclamait l’unicité de Dieu, tout comme Moïse et Jésus Christ l’avaient enseigné, j’ai commencé à comprendre que Mohammed était le dernier prophète annoncé. Soudain, tout est devenu clair : la continuité du cycle prophétique et de la révélation, l’unicité de Dieu tout-puissant, et le parachèvement de la révélation dans le saint Coran. J’étais devenu musulman.

Très intelligent, hein ? Non, je ferais une grave erreur si je croyais avoir découvert tout cela par moi-même. S’il y a une leçon que j’ai tirée, c’est qu’il y a beaucoup de gens plus intelligents que moi qui n’ont pas encore rencontré la vérité de l’Islam. Ce n’est pas une question d’intelligence, il s’agit plutôt de trouver la lumière, car « qui croit en Dieu, Dieu guide son cœur » (Coran 64:11), « Dieu élit à Lui qui Il veut, guide vers Lui le résipiscent » (Coran 42:13), « Dieu guide qui Il veut à une voie de rectitude » (Coran 24:46).

Je remercie donc Dieu d’avoir choisi de me guider, et j’attribue cette guidance à une formule simple : reconnaître notre Créateur, adresser ses prières à Lui et Lui seul, et chercher sa guidance avec sincérité. Et de ceux qu’Il guide, nul ne peut s’égarer.

(Réédité avec l’autorisation de l’auteur.)