Le changement climatique : un appel au changement personnel
La réalité du changement climatique exige de nous de reconsidérer nos actes et de réorienter notre consommation d’énergie pour limiter voire inverser la crise environnementale en cours. Les dirigeants religieux doivent aujourd’hui relever le défi de chercher dans leurs traditions respectives des sources d’inspiration capables de nous aider à éviter ce désastre mondial. Cette nouvelle exigence qui pèse sur les vieilles traditions nous oblige à porter un regard créatif sur l’héritage religieux du monde et à réinterpréter ou à réhabiliter les textes et les principes sacrés pour faire face à ce problème contemporain. Il est surprenant cependant de voir que les textes de la tradition religieuse islamique abordent directement de nombreuses questions pertinentes sur ce sujet. Pour le commentateur musulman, il ne s’agira donc pas tant de réinterpréter les traditions, mais plutôt d’œuvrer à la mise en application des textes anciens en réponse aux problèmes nouveaux.
Pour commencer, le Coran nous appelle à reconnaître notre responsabilité dans la crise :
Le dégât se manifesta d’abord sur le continent et sur la mer par l’acquêt des mains humaines, pour donner aux hommes un avant-goût partiel de leurs actions mauvaises, et qui sait ? Les faire revenir. (Coran 30:41)
D’après ce verset, Dieu nous donne un avant-goût de notre propre « remède » afin que nous nous détournions du mauvais chemin emprunté dans nos vies. Si nous voulons renverser la marche de la détérioration de notre environnement, alors, nous devons prendre des décisions difficiles et changer nos comportements. En d’autres termes, le changement écologique implique un changement personnel.
Le principe de préservation de l’environnement
Le gaspillage est l’un des principaux facteurs de notre malheur environnemental actuel, d’où la nécessité de prendre conscience de l’intérêt que représentent la réduction, la réutilisation et le recyclage de nos déchets. Voilà qui nous ramène à quelques mises en garde coranique. Par exemple : « […] mais sans prodigalité. Dieu n’aime pas les prodigues. » (Coran 6:141)
Le principe de préservation de l’environnement s’illustre dans une règle que l’on retrouve dans de nombreux textes fondamentaux traitant des actes d’adoration islamiques : lors des ablutions en préparation à la prière, nous devons faire un usage sobre de l’eau, quand bien même nous disposerions d’une rivière. Lorsque cette règle a été formulée pour la première fois, son intérêt pratique a dû sembler obscur ; aujourd’hui, pourtant, il s’impose avec la force de l’évidence. En appliquant cette règle, au fil du temps, les musulmans doivent développer un regard juste sur l’eau et les autres ressources naturelles, ils doivent les considérer comme des provisions divines.
La plantation d’arbres, un acte saint.
Les vertus des arbres pour notre écosystème sont désormais largement connues. On remarquera à ce sujet que la plantation d’un arbre est considérée dans la tradition islamique classique comme un acte de charité, comme le type de bonnes actions le plus souhaitable. Le Prophète Mohammed, que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui, a dit que pour celui qui plante un arbre, toute la nourriture qu’il aura finalement apportée à des humains ou à des animaux aura valeur pour lui d’acte de charité. L’importance de la plantation d’arbres comme bonne action apparaît également dans une autre tradition qui dit que si quelqu’un dispose d’un jeune arbre prêt à être planté et que le jour du jugement dernier arrive, alors il doit aller le mettre en terre.
L’équilibre du tout de la vie de la vie terrestre
De plus, les musulmans croient que toutes les créations d’Allah, animaux et arbres compris, glorifient Dieu à leur propre manière.
« […] ne vois-tu pas vers Lui se prosterner les hôtes des cieux, les hôtes de la terre, le soleil et la lune, les étoiles, les montagnes, les arbres, les animaux [et] beaucoup parmi les hommes […] ? » (Coran 22:18)
L’Islam enseigne également aux humains que toutes les créatures de Dieu, depuis la plus petite fournmi au plus grand lion, remplissent une certaine fonction dans Sa conception du monde : « Pas de bête sur la terre, ni d’oiseau volant de ses deux ailes qui ne constitue des nations pareillement à vous […]. » (Coran 06:38)
Cette notion divine, qui nous est parvenue il y a plus de 1400 ans, vient confirmer le concept scientifique de « chaîne alimentaire » selon lequel chaque espèce dépend d’une autre, et que toutes les espèces ensemble maintiennent l’équilibre de la vie sur terre. Dieu nous rappelle dans le Coran que nous ne devons pas chercher à modifier Son équilibre divin (ici qualifié de « balance ») : « le ciel Il éleva, la balance Il posa. À charge de n’en pas faire un instrument d’abus. “Accomplissez la pesée équitablement, ne rendez pas la balance perdante” ». (55:7-9) Ainsi, la déforestation irresponsable et la mise à mort gratuite de la plus petite des créatures de Dieu sont vivement découragées par l’Islam.
L’homme, administrateur et lieutenant de Dieu
Mais encore, certains concepts islamiques généraux viennent confirmer ces observations. Citons par exemple la croyance selon laquelle tout ce qui est en notre possession et que nous considérons volontiers comme notre propriété ne nous a pas seulement été fournie par Dieu, mais qu’en dernière instance, tout cela Lui appartient. D’après cette croyance, tout ce que nous avons, c’est la confiance que Dieu nous a accordée, la confiance que nous devons préserver et que nous devrons rendre à Dieu de la meilleure façon possible. Cette idée est soulignée par le verset suivant : « Croyez en Dieu et à Son Envoyé. Faites dépense sur quoi Il vous a confié lieutenance. Ceux d’entre vous qui auront cru et fait dépense auront un salaire éminent. » (Coran 57:7) L’impératif de la charité est ici fondé sur la croyance selon laquelle les richesses en notre possession nous ont simplement été confiées temporairement. Le musulman étendra bien entendu cette croyance à toutes les ressources naturelles qui l’entourent.
Toujours en rapport avec cette idée de confiance, on trouve le concept de successeur. Dans le Coran, Dieu dit : « et puis Nous fîmes de vous après eux leurs successeurs sur la terre, afin de voir comment vous agiriez » (Coran 10:14). Le comportement de ceux qui nuisent à la terre est aussi clairement mentionné : « à peine a-t-il tourné le dos qu’il se démène sur la terre à y faire dégât, à ruiner labour, engendrement. Or Dieu déteste le dégât » (Coran 2:205). D’après le Coran, Dieu a bien fait tout ce qu’il a créé : « qui si bellement fit toute chose par Lui créée » (32:7). Et l’on nous commande de conserver cet état de choses : « Ne faites pas de dégât sur la terre, après qu’elle fut [créée] si bonne » (7:56).
Un appel au changement
En ne respectant pas les injonctions coraniques, nous avons bien évidemment contrarié l’équilibre écologique. Et c’est à nous de rétablir la situation. Cela suppose de grands efforts et de courageux changements personnels. Nous devons tout faire pour restaurer l’équilibre de la nature ; pour assumer enfin nos responsabilités de « successeurs » et donc de gardiens, d’intendants et d’administrateurs en qui Dieu a placé sa confiance pour préserver les ressources dont nous jouissons. Nous devons conserver les écosystèmes qui abritent l’éblouissante variété des formes de vie créée par Dieu, animaux, oiseaux, insectes et plantes compris. Or, ces changements personnels nécessaires sont parfois simples à accomplir. Il est nous est facile en réalité de réduire, réutiliser et recycler nos déchets. Dans une large mesure, nous pouvons limiter notre utilisation de l’eau et des autres ressources naturelles. Nous pouvons un tant soit peu inverser le processus en cours de déforestation en replantant arbre après arbre. Il temps d’accorder plus d’attention aux principes énoncés dans le message du de Dieu, comme celui-ci par exemple : « que l’homme obtient seulement le fruit de sa rétribution » (Coran 53:39).
Nous avons corrompu les mers et les continents, et devons à présent faire amande amende de nos actes. La crise actuelle exige des dirigeants religieux qu’ils trouvent des messages fondés sur la foi, capables d’inspirer et d’orienter les croyants vers une conscience environnementale renforcée. Et nous avons vu qu’à cette fin, les traditions sacrées de l’Islam renferment un riche contenu de riches enseignements. Tout ce qu’il reste à savoir, c’est l’ampleur dans laquelle nous saurons répondre à cet appel au changement personnel.